Présentation du sélénisme

sélénisme, n.m.: 1. courant de pensée né à l’aube du troisième millénaire et proposant, à grand renfort d’espoir et de philosophie, de balayer à lui seul les carcans mielleux de la poésie sans âme, de changer un à un les hommes en muses ou en artistes, et de faire flotter le drapeau noir sur tous les mâts de toutes les prisons jusqu’à ce que plus un seul morceau de tissu ne puisse être trouvé par quiconque pour porter le deuil de l’obscurantisme. 2. (fig) doctrine qui prétend voir dans la beauté l’aboutissement de toute lutte.

Et qui porte donc ce projet ambitieux ?

Mon nom est Jean Talcmecz, jeune écrivaillon sur le retour, et si j’ouvre ce site internet avec ma très chère comparse Ode-Lune, c’est dans l’espoir premier de faire partager nos écrits avec un plus large public que le cercle restreint de fidèles où leurs échos se répondent depuis trop longtemps déjà. Bien sûr, l’objectif de ce blog ne sera pas uniquement de constituer un catalogue ou un recueil en ligne, mais d’être aussi la plateforme où nous pourrons partager nos lectures, nos découvertes enrichissantes, nos avis sur le monde et celui des arts en particulier.

Que vous soyez amateurs de poésie ou tentiez de l’apprécier, que l’on vous ait soufflé l’adresse ou que votre arrivée ici soit le fruit du hasard : bienvenus ! Nous ne chercherons ni à plaire exclusivement aux lecteurs et théoriciens acharnés, ni à servir sur commande et à rythme soutenu des textes pauvres et vaguement touchants, mais à lancer sur l’océan du web celles de nos créations qui paraîtront y trouver leur place légitime. Puissiez-vous y trouver à la fois le ravissement esthétique et l’envie de créer à votre tour, tantôt le plaisir du lecteur et tantôt celui de l’écrivain arrachant à son confrère un morceau d’inspiration.

La tournure exacte que prendront les articles est à cette heure difficile à définir, et sûrement notre voix devenant publique serons-nous confrontés aux questions qui souvent entourent la responsabilité de l’auteur : où termine la parole et commence l’opinion ? en empruntant quels sentiers la philosophie devient-elle politique ? l’art sensible, engagé ? Sans certitude à offrir, et n’ayant pas assez de courage pour vous enjoindre à un saut vers l’inconnu, contentons-nous de le laisser nous pousser lentement vers lui. Laissons le temps libre de tracer notre ligne auctoriale, et les livres qu’il nous reste à lire l’infléchir au fur et à mesure de leurs pensées nouvelles.

Mais puisqu’il faut nécessairement se plier à cette épreuve, voici pour achever la courte inauguration de ce nouvel univers sans annoncer déjà notre propre caricature, un texte de facture assez classique. Et n’hésitez bien sûr pas à laisser toute une foule de commentaires ! Ils sont là pour vous.

L’Amant

Il était une fois un si petit village
Qu’il ne dépassait pas l’ombre de son clocher.
Un pauvre vigneron d’à peine vingt ans d’âge
Y avait épousé la fille du boucher.

Elle était moins jolie que sa dot généreuse
Et n’avait toujours pas pondu de nourrisson,
Mais la terre fertile et la saison pluvieuse
Suffisaient au bonheur de l’aimable garçon.

Jusqu’au jour où parut cet homme de la ville
À l’allure élégante et au regard divin.
Il semblait ne venir dans ce hameau tranquille
Qu’afin d’y rencontrer le fabricant de vin.

Le paysan, surpris de faire connaissance
Avec ce qui devait être un riche acheteur,
Le pria d’accepter un peu de sa pitance,
Et sa femme apporta le sang de leur Seigneur.

En l’honneur du repas aux frais de la princesse,
L’étranger se changea en vrai prince charmant,
Profitant que chacun soit plongé dans l’ivresse
Pour soumettre sa proie aux faveurs d’un amant.

Le regard effrayé de la bonne fermière
Se perdait dans celui, vide de son mari.
Si lui seul frissonnait des extases premières,
Les deux laissaient percer autant de petits cris.

La table, renversée par la bête bifide,
Avait jeté au sol l’enivrante potion,
Que bientôt rejoignit un tout autre liquide
Sur lequel s’acheva la trop courte passion.

Après avoir réglé ce paiement en nature,
Le citadin quitta ses hôtes en émoi,
Et dit qu’il reviendrait chercher de la mixture
Contre un peu de la sienne avant la fin du mois.

Dès l’instant que le mâle eut montré son visage,
L’épouse délaissée le devint plus encor.
Un jour qu’elle trouva un puits sur son passage,
Elle plongea dedans pour se donner la mort.

Le conjoint n’attendit pas la journée entière
Pour trouver son ami et le mettre au courant.
Ainsi débarrassés de la belle sorcière,
Ils vécurent heureux mais n’eurent pas d’enfant.